Pour aller plus loin, je vous propose quelques réflexions complémentaires sur l’influence des facteurs culturels sur notre diversité et l’approfondissement de deux points particulier concernant les mutations : la relation entre leur développement et l’environnement d’une part et, d’autre part, un point technique concernant la manière de déterminer si elles sont vraiment sous sélection positive.
Facteurs culturels et diversité
Quand on parle de facteurs culturels à l’origine de barrières entre les populations humaines , on pense immédiatement aux différences religieuses ou linguistiques, aux frontières géographiques ou politiques ou encore aux sociétés très hiérarchisées comme les castes indiennes. Et, effectivement, ces barrières existent et les limitations qu’elles imposent au brassage génétique sont claires.
Mais il serait un peu rapide de s’arrêter là car, même au sein de populations plus proches tant sur le plan géographique que culturel, il existe également des éléments culturels plus modestes mais dont l’impact est pourtant non négligeable.
Par exemple, jusqu’à l’apparition du chemin de fer et la mise en place du service militaire obligatoire au milieu du 19ème siècle, la coutume voulait dans les campagnes françaises qu’après célébration du mariages dans le village de l’épouse, le couple aille ensuite s’installer dans le village du mari… de sorte que, dans les villages français à l’époque, les hommes avaient un patrimoine génétique très proche au contraire des femmes, issues elles de villages différents.
un autre exemple avec la consanguinité des Habsbourg. Au 16e siècle, la noblesse privilégiait le mariage avec un membre de sa famille proche pour « conserver le patrimoine dans la famille ». C’est ainsi que Charles Quint épouse sa cousine germaine, leur fils Philippe II sa nièce, leur petit-fils Philippe III sa cousine au second degré, et leur arrière-petit fils Philippe IV à nouveau sa nièce. Charles II, fils de Philippe IV, sera le dernier de la lignée car, malade et rachitique,il n’aura pas de descendance. Les parents de Charles II avaient un taux de consanguinité proche de celui de frères et sœurs.
Mutations sous sélection positive
Comment apparaît la sélection positive sur une mutation ?
Tant que l’organisme n’est pas soumis à une pression environnementale sur laquelle une mutation (ou un allèle) d’un gène n’a aucun effet, c’est-à-dire qu’il reste neutre, son évolution dans le temps ne sera soumise qu’à la variation aléatoire de la dérive génétique.
Ce n’est que lorsqu’une mutation (ou un allèle) du gène devient utile pour aider l’organisme à s’adapter à l’environnement que la sélection naturelle va opérer.
Imaginons donc une population soudain soumise à une maladie (le paludisme par exemple) à laquelle elle n’était pas soumise précédemment.
Trois cas peuvent se produire :
1/ Aucun gène déjà présent dans l’organisme n’a d’effet sur cette nouvelle maladie. Il faudra attendre l’apparition d’une mutation nouvelle, efficace pour lutter contre cette maladie, soit par génération spontanée, soit par hybridation avec une autre population déjà porteuse d’une telle mutation (par exemple, une population en provenance d’une région déjà impactée par la maladie).
2/ Certains allèles, efficaces contre cette maladie, sont déjà présents dans la population mais ils sont jusque là restés neutres et leur proportion dans la population est resté stable. Lors de l’apparition de la maladie, ces allèles, devenus soudain importants pour la survie de la population, vont augmenter en pourcentage, permettant peu à peu de protéger la population.*
Il est à noter que, dans une certaine mesure, le fait d’avoir une proportion importante de gènes hétérozygotes est un avantage puisque les individus en question possèdent plus d’allèles différents et ont donc plus de chances d’avoir parmi leurs gènes des allèles
3/ soit, et c’est semble-t-il le cas le plus fréquent, nous allons nous trouver face à une réaction polygénique, c’est-à-dire que plusieurs mutations différentes sur plusieurs gènes différents sont en mesure d’intervenir simultanément pour combattre la maladie. Dans ce cas, selon les conditions locales spécifiques, certaines d’entre elles vont se retrouver simultanément sous sélection positive pendant que d’autres resterons dormantes.
Il faut noter que ce polygénisme a parfois un effet pervers car certaines études ont montrés une relation entre un allèle qui protège d’une maladie et en provoque une autre. De nombreuses études ont été faites et d’autres sont encore en cours sur le cas d’un gène qui semblerait protéger du paludisme et tout en provoquant la drépanocytose, une grave maladie du sang.
Comment identifier la sélection positive d’une mutation ?
Il se trouve qu’un gène sous sélection positive laisse la même signature biologique qu’un gène qui évolue du fait de l’expansion démographique mais l’effet démographique touche l’ensemble du génome alors que la sélection positive n’affecte que quelques gènes !
Cependant, jusqu’aux années 2010, du fait du coût prohibitif du séquençage de l’ADN complet (3,5 Milliards de dollars pour le premier séquençage complet) ne permettait pas de les distinguer.
Mais, depuis les années 2010, ce coût a suffisamment baissé pour permettre de séquencer l’ADN complet sur des populations entières. Et cette baisse se poursuit puisqu’en 2020, un tel séquençage coûte déjà moins de 1000 dollars.
De sorte qu’il est aujourd’hui possible de savoir si un gène a évolué par sélection ou par effet démographique en comparant l’évolution du génome entier par rapport à chaque gène particulier.
De sorte qu’il est aujourd’hui possible de savoir si un gène a évolué par sélection ou par effet démographique en comparant l’évolution du génome entier par rapport à chaque gène particulier.