Hominines : à l’aube de l’humanité

La date de divergence entre les hommes et les chimpanzés reste incertaine, entre 10 et 8 Millions d’années, et dans les 4 millions d’années qui vont suivre les restes humains sont peu nombreux. Revenons dans ce billet sur quelques notions essentielles de cette période si lointaine.

Les caractéristiques distinctives de l’Homme

Lorsqu’on compare les humains aux grands singes, les différences sautent aux yeux et elles sont nombreuses.

Mais on tente de faire la distinction entre un hominine et un primate ou entre deux espèces distinctes d’hominines sur des ossements anciens dont l’ADN n’est plus utilisable, les caractéristiques qui permettent sont beaucoup plus limitées et incertaines. Même la bipédie, pourtant considérée comme « LA » caractéristique qui définit l’homme, est sujette à caution. En effet, la qualité de la bipédie se décline à l’infini et même les grands singes sont dans une certaines mesures bipèdes !

Alors voyons les caractéristiques sur lesquels les paléo-anthropologues s’appuient dans leurs travaux.

Bipédie et mobilité

– Tout d’abord, comme je viens de le mentionner, la qualité de la bipédie est la caractéristique la plus importante. On la traque dans l’étude du bassin, des pieds ou des fémurs dont le col du fémur est tout particulièrement révélateur.

– Toujours dans le domaine la mobilité, l’adaptation au déplacement dans les arbres est également un facteur évolutif important que l’on perçoit dans le rapport entre la longueur des membres supérieur et inférieurs, la forme des mains et celle des pieds.

Mais, l’une comme l’autre des ses caractéristiques supposent qu’on soit en possession de squelettes entiers ou au moins de quelques restes post-crâniens en bon état, ce qui est de plus en plus rare au fur et à mesure qu’on remonte dans le temps.

Abstraction et mode de vie

– Vient ensuite le degré d’abstraction et l’habileté que l’on évalue principalement en fonction de la capacité crânienne, mais également pour les périodes les plus récentes (Australopithèques tardifs et genre Homo) la forme de la main et les outils utilisés.
Dans ce domaine, les restes crâniens sont essentiels à la définition d’une espèce. Heureusement, on en trouve même dans les périodes les plus reculé

– Enfin, le mode de vie que l’on rattache au dimorphisme sexuel (organisation sociale) et à la denture (type d’alimentation), très régulière chez les Hommes Modernes, très puissante équipée de molaires surdimensionnées chez les Australopithèques ou au contraire de canines longues et aiguisées chez les grands singes.

Dans ces temps très reculés de l’aube de l’humanité, les squelettes entiers sont rares et les fossiles post crâniens également, de sorte que l’analyse de ces critères sur la base d’un morceau de crâne, d’une mandibule voire de quelques dents pour définir si des restes humains appartiennent à la même espèce ou non est un art plus qu’une science et laisse place à nombres d’interprétations et de débats entre experts.

Classification et phylogénie

Jusque dans les années 80, la classification des espèces proches de l’homme était basée essentiellement sur des critères de similitude phénotypique de sorte que la super-famille des hominoïdés comprenait des espèces qui se sont révélées ensuite fort éloignées de l’homme.

Mais, à partir des années 80, bien avant les analyses d’ADN, il a été possible grâce à la phylogénie moléculaire, de faire des comparaisons sur les protéines, comme par exemple l’hémoglobine. Ces comparaisons ont permis d’affiner et même de redéfinir la proximité entre les grands singes et les hommes.

Par contre, l’utilisation de ces méthodes pour évaluer les dates de divergences entre les espèces n’ont pas permis d’obtenir des résultats satisfaisant. On parlait par exemple de 4 à 5 millions d’années pour la divergence Homme-Chimpanzé, alors que les paléo-anthropologues connaissaient déjà des fossiles d’hominines évolués plus anciens ! Et on observait le même phénomène dans le cas de la divergence entre Néandertal et l’Homme Moderne.

Horloge moléculaire

Dans les années 2000, les analyses ADN ont permis d’avancer sur le sujet et de réconcilier biologistes et paléo-anthropologues, sans pour autant apporter une réponse parfaitement satisfaisante.

Le principe est le suivant : À chaque génération, les gênes des enfants sont une recombinaison des gênes des parents… agrémentées de quelques mutations.

Si l’on compte le nombre de mutations le long de chaque lignée animale après leur divergence d’avec leur plus proche parent, il est possible de construire une sorte d’horloge moléculaire dont les longueurs des branches correspondent aux éloignements génétiques entre chaque espèce.

Mais cela ne donne pas de millions d’années. Pour cela, il faut calibrer l’horloge entre les mutations d’une part et le temps de l’autre.

Problème de calibrage

La première tentative a consisté à estimer la longueur d’une des branches sur la base des datations paléontologiques, puis, par de simple règles de trois, à diffuser cette longueur sur toutes les autres branches. Par exemple, si l’on sait que le fossile de souris le plus ancien connu a été daté de 60 Millions d’années, on va diviser ces 60 Millions d’années par le nombre de mutations mesurées entre la souris et son plus proche parent puis, propager ce ratio sur l’ensemble de toutes les autres branches.

Simple bien sûr mais totalement arbitraire car la probabilité que la plus ancienne souris connue soit la plus ancienne de toutes les souris est très faible et la simple découverte d’un fossile de souris plus ancien remettrait tous ces calculs en cause !

Malheureusement, au-delà de ce problème de méthodologie, les progrès en analyse ADN ont fait apparaître des problématiques beaucoup plus complexes, inhérentes à la propagation même des mutations.

Tout d’abord, on s’est aperçu que le nombre de mutations dans le temps n’est pas homogène. L’horloge moléculaire est plus ou moins rapide selon les parties du génome concernées mais surtout selon les lignées. Par exemple, elle s’est beaucoup ralentie chez les grands singes par rapport aux primates plus primitifs et elle s’est encore ralentie chez les humains.

D’autre part, à l’échelle unitaire d’une génération, le nombre de mutations n’est pas stable non plus : il dépend de manière significative de l’âge du père. Le père est en effet à l’origine de la majorité des mutations transmises aux enfants et ce nombre augmente sensiblement avec son âge.

Enfin, lorsque deux populations sont séparées, elles restent compatibles et interfécondes de sorte qu’une reproduction croisée reste possible pendant de très nombreuses années.

Tout cela pour dire que la calibration d’une horloge moléculaire globale n’est pas pour demain.

Calibrage période récente

Au niveau des Hommes Modernes, des travaux récents sur les populations actuelles et une étude comparative d’ADN complet avec un fossile daté de 45 Milles ans ont permis de déterminer un taux de mutation assez fiable pour notre espèce. C’est sur cette base qu’ont été estimées les dates actuelles de coalescence entre les différents grands singes et les hommes.

Cependant, si l’on peut affirmer que ce taux de mutation est valide pour les Hommes Modernes depuis une centaine de milliers d’années, rien ne dit qu’il soit également applicables aux représentants plus anciens du genre Homo et encore moins aux Australopithèques… sans parler des tous premiers hominines…

De sorte que la calibration actuelle de l’horloge génomique des primates les plus proches de l’homme, si elle a réussi à réconcilier généticiens et paléo-anthropologues, est encore loin d’être définitive !

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